Les timides - Jacques Brel

Les timides

Ça se tortille

Ça s’entortille

Ça sautille

Ça se met en vrille

Ça s’recroqueville

Ça rêve d'être un lapin

Peu importe

D’où ils sortent

Mes feuilles mortes

Quand le vent les porte

Devant nos portes

On dirait qu’ils portent

Une valise dans chaque main

Les timides

Suivent l’ombre

L’ombre sombre de leur ombre

Seule la pénombre

Sait le nombre

De leurs pudeurs de Levantin

Ils se plissent

Ils palissent

Ils jaunissent

Ils rosissent

Ils rougissent

S'écrevissent

Une valise dans chaque main

Mais les timides

Un soir d’audace

Devant leur glace

Rêvant d’espace

Mettent leur cuirasse

Et alors place

Allons Paris

Tiens-toi bien

Et vive la gare

Saint-Lazare

Mais on s'égare

On s’effare

On s’désempare

Et on repart

Une valise dans chaque main

Les timides

Quand ils chavirent

Pour une Elvire

Ont des soupirs

Ont des désirs

Qu’ils désirent dire

Mais ils n’osent pas bien

Et leur maîtresse

Plus prêtresse

En ivresse

Qu’en tendresse

Un soir les laissent

Du bout des fesses

Une valise dans chaque main

Les timides

Alors vieillissent

Alors finissent

Se rapetissent

Et quand ils glissent

Dans les abysses

Je veux dire

Quand ils meurent

N’osent rien dire

Rien maudire

N’osent frémir

N’osent sourire

Juste un soupir

Et ils meurent

Une valise sur le cœur

los timidos

se esta moviendo

se tuerce

se salta

va a dar un vuelco

se enrosca

Sueños de ser un conejo

Poco importa

De dónde vienen

mis hojas muertas

Cuando el viento los lleva

Frente a nuestras puertas

Parece que están usando

Una maleta en cada mano

los timidos

sigue la sombra

La sombra oscura de su sombra.

solo la oscuridad

sabe el numero

De su modestia levantina

se arrugan

se desvanecen

se vuelven amarillas

se vuelven rosas

se sonrojan

desmoronarse

Una maleta en cada mano

Pero el tímido

Una noche de audacia

Frente a su espejo

soñando con el espacio

Ponerse la coraza

y luego arriba

vamos paris

Pórtate bien

Y viva la estación

San Lázaro

Pero nos desviamos

Estamos asustados

estamos angustiados

y nos vamos

Una maleta en cada mano

los timidos

cuando zozobran

para una elvira

tener suspiros

tener deseos

lo que quieren decir

Pero no se atreven bien

y su amante

más sacerdotisa

Borracho

que en ternura

Una tarde déjalos

Desde el final de las nalgas.

Una maleta en cada mano

los timidos

Así que envejece

Así que termina

encoger

Y cuando se deslizan

en el abismo

Quiero decir

cuando mueren

no te atrevas a decir nada

maldecir nada

No te atrevas a estremecerte

no te atrevas a sonreir

solo un suspiro

y mueren

Una maleta en el corazón